Accueil

Me contacter : E.mail 

LE GEYSER DES FOULES

Délimitation du bassin versant karstique de la Bienne

(Haut-Jura, France) par la géologie et les essais de traçage

par Robert Le Pennec

Association Spéléologique de Saint-Claude, 11, rue du Belvédère, F - 39200 SAINT-CLAUDE

Abstract :

The Bienne is a left bank tributary of the river Ain, whose upper topographical watershed is including a significant number of closed basins and watercourses or lakes leakages. Since the last 30 years, a 72 tracing tests have been performed and enabled us to appreciate the actual size of the karst area which is feeding the upper valley of the torrent. While replacing these tracing tests in the structural framework of the folded Upper Jura, is is possible to divide this area into 14 hydrogeological units. The largest of them, the Grandvaux synclinorium, is more than 30 km long and is including the longest underground flow in the Franche-Comté, originating in the Chaumusse sinkhole and the Enragé spring.

Résumé :

La Bienne est un affluent de la rive gauche de l'Ain, dont le haut bassin versant topographique comporte de nombreux bassins fermés et des pertes de cours d'eau ou d'émissaires de lacs. Depuis plus de 30 ans, 72 essais de traçage ont permis d'apprécier l'étendue réelle de la zone karstique alimentant la haute vallée du torrent. Replacés dans le contexte structural du Haut-Jura plissé, ces traçages permettent une subdivision en 14 unités hydrogéologiques. La plus grande d'entre-elles, le synclinorium du Grandvaux, fait plus de 30 km de long et inclut la plus longue circulation souterraine de Franche-Comté, entre la perte de la Chaumusse et la source de l'Enragé.

1. Bassin versant topographique

Vers le Nord (fig. 1), le bassin de la Bienne est séparé de celui de l'Orbe par le village des Rousses et le mont Risoux. Vers l'Ouest, le secteur des Crozets est draîné de manière aérienne vers la Bienne, mais le bassin du Grandvaux est fermé autour du lac de l'Abbaye. Le ruisseau d'Heria se jette dans la Bienne à Jeurre, mais le lac d'Antre est situé dans un bassin fermé. La limite ouest, avec le bassin de l'Ain, est donc difficile à percevoir. Vers l'Est, les reliefs des Molunes et Bellecombe séparent la Bienne de la Valsérine. Au Sud, la limite topographique passe entre Oyonnax et Viry. Enclavée dans ce secteur, la dépression du lac de Lamoura n'a pas d'exutoire aérien. Ce grand secteur ainsi défini  présente donc un nombre important de zones problématiques.

2. Structure

Le Haut-Jura (fig. 1 et 2) est une succession de plis complexes d'orientation générale NE-SW. Les anticlinaux de Jurassique supérieur ou moyen chevauchent généralement vers l'Ouest des synclinaux à cœur crétacé et tertiaire, souvent empâtés de dépôts glaciaires. L'ensemble des plis est tronçonné par deux grands accidents transverses : celui de Morez et celui de Saint-Claude, et les plis sont affectés transversalement par deux abaissements axiaux : celui de Morez qui fait chuter les axes de 200 m et celui du Flumen (de 400 m). La haute vallée de la Bienne traverse en cluse les reliefs du Haut-Jura : cluses de Morez, de Vaux-les-Saint-Claude, de Jeurre et de Dortan-Lavancia, mais elle suit un axe synclinal entre Morez et Saint-Claude. Les séries calcaires atteignent 1200 m d'épaisseur, et la Bienne les entaille sur 800 m, dans des gorges sauvages.

3. Traçages et détermination des limites

 

Ensemble du bassin :

Les sources karstiques sont situées au sommet des différents niveaux marneux, les plus importantes étant à la base du Séquanien. Plusieurs sources vauclusiennes ont un conduit terminal de plus de 50 m de profondeur : Bief Noir, 85 m; Doye Gabet, 77 m; Bief Goudard, 60 m; Brive, 56 m. D'autres émergences peuvent être masquées sous les dépôts glaciaires, surtout vers Lavancia où le réseau des Bracelettes est très peu connu.

Les traçages effectués dans le Haut-Jura (fig. 1) montrent une tendance générale au draînage dans l'axe des plis : le secteur des Lacs de Bellefontaine et des Mortes résurge à la source de la Doye Gabet sur l'abaissement axial de Morez, la région comprise entre le secteur de Lamoura et la Pesse sur les émergences de celui du Flumen (MUDRY & ROSENTHAL, 1977). A partir des différents essais de treçage, des cours d’eau principaux et de la structure (sommets d’anticlinaux dans le sens longitudinal, zones d’élévation axiale des plis dans le sens transversal), on peut subdiviser le Haut-Jura en quatorze unités à draînage karstique (fig. 1) :

A-A : Tracé des coupes de la figure 2

  Fig. 1 : Les 14 zones hydrogéologiques du Haut-Jura et le bassin versant de la Bienne.

 

 I        :  Lamoura - la Pesse                                                           

 II        :  Longchaumois - Cinquétral                            

 III        :  Grandvaux                                                                        

  IV       :  Bellefontaine - Morez - Forêt Mt-Noir          

 V        :  Risoux - lac des Rousses                                               

  VI       :  Jouvencelles - Longchaumois - la Mouille

 VII       :  Vulvoz                                                                

 VIII      : crêt du Surmontant - Ranchette - Mt Chabot

 IX        :  forêt d’Avignon                                                               

 X         :  Viry - Oyonnax

  XI       :  Choux                                                               

  XII       :  Jeurre - lac d’Antre

  XIII      :  Montcusel - Chancia                                                      

  XIV      :  Veyziat - Uffel

Synclinorium du Grandvaux :

Les quatre zones majeures de draînage karstique du Haut-Jura sont le système de la Doye Gabet à Morez, le secteur de Lamoura-la Pesse, le système d’Oyonnax -Viry et le Grandvaux. Le synclinorium du Grandvaux est une zone relativement plane de 900 à 1000 m d’altitude. Les sources situées dans la vallée de la Bienne s’étagent entre 510 et 350 m. Un premier long traçage effectué depuis la perte du lac de l’Abbaye (FRACHON, 1965; MUGNIER & CHATELAIN, 1969) est réapparu à la source de l’Enragé.  La source de l’Enragé qui est située dans la cour de l’usine Breuil à Chassal, a comme trop-plein la grotte de l’Enragé.

En  1994, 30 kg de fluorescéïne ont été injectés au gouffre de la Tane à la Chaumusse (LE PENNEC, 1987 a et b), dans le but de délimiter l’unité en direction de l’accident de Morez.  25 jours plus tard, le traceur atteignait la résurgence de Brive (27 km), et le lendemain la source de l’Enragé (distance : 29,5 km, vitesse apparente : 47,2 m/h). L’eau a été tracée pendant 3 jours, mais non visible à l’oeil nu.

Cette relation souterraine, la plus longue de Franche-Comté, a montré une faible vitesse de circulation, comparativement aux autres traçages du Haut-Jura qui ont circulé à 100 m/h en moyenne. 

Le Grandvaux est un synclinorium large au niveau de Saint-Laurent, où sont situées les pertes de (fig. 2, coupe AA). Il se rétrécit au niveau de Leschères (fig. 2, coupe DD) où il doit être chevauché par l’anticlinal du bois de Cuttura. La zone de sortie se situe donc dans le coeur d’un anticlinal pour l’Enragé (fig. 2, coupe EE), sur le flanc ESaint pour Brive, sur la rive gauche de la Bienne, à la faveur des écailles du Trunet. Cette unité hydrogéologique va donc de l’accident de Morez au Nord à celui de Vuache-Molinges au Sud, sans qu’on puisse savoir si ces failles jouent un rôle de limite.

4. Conclusion

L’utilisation combinée du traçage artificiel et de l’étude structurale du Haut-Jura permet la délimitation de 14 unités hydrogéologiques dans le bassin versant de la Bienne. Le draînage karstique se fait principalement dans la direction d’allongement des plis, polarisé par les grandes structures transversales : accident et zone d’abaissement axial de Morez, accident de Saint-Claude et zone d’abaissement axial du Flumen, accident de Vuache-Molinges.

Le synclinorium du Grandvaux apparait ainsi comme une grande structure triangulaire de plus de 30 km de longueur, de 100 km2 de surface, à draînage exclusif vers la vallée de la Bienne

Références

ALABOUVETTE B.  1965 : Etude géologique de la région de Saint-Laurent (Jura). Thèse 3° cycle Géologie, Besançon, 117 p., 14 pl HT.

AUBERT D. 1965 : Calotte glaciaire et morphologie jurassienne. Ecl. Geol. Helv., vol. 58, 1, 555-578, 9 fig.

BADIN L. &  MAYA C. 1971 : Etude des circulations souterraines par fluorimétrie. SRAE Franche-Comté, 35 p., 10 fig., inédit.

B.R.G.M. Cartes géologiques 1/ 50 000° : Moirans-en-Montagne, Morez, Saint-Claude.

CHAUVE P., DUBREUCQ F., FRACHON J.C., GAUTHIER A., METTETAL J.P. & PEGUENET J. 1987 : Atlas des circulations souterraines reconnues par traçage en Franche-Comté. 35 p., 9 fig., 17 pl. Ann. Scientif. Univ. Besançon, Géologie, Mém. H.S. n° 2.

FRACHON J.C. 1965 : Le réseau de l’Enragé (Jura français) : une percée hydrogéologique de 21 km. Le Boueux, bull. trimest. de la Section de Genève de la Soc. Suisse de Spéléol., III, 4, 5-10.

I.G.N. Cartes topographiques : 1/ 100 000° Annecy-Lausanne ; 1/ 25 000° :  Morez et Saint-Claude.

LE PENNEC R. 1987 : Inventaire des colorations. Assoc. Spéléol. de Saint-Claude, Bull. Spécial n° 3, 74 p.

LE PENNEC R. 1987 : Inventaire des colorations du Parc Naturel Régional du Haut-Jura. Actes 8° Congrès Nat. Soc. Suisse de Spéléol., 125-134.

MUDRY J. & ROSENTHAL P. 1977 : La Haute-Chaîne du Jura entre Morez, Saint-Claude et la Pesse. Thèse 3° cycle Géologie Besançon, 205 p., 95 fig.

MUGNIER C. & CHATELAIN D. 1969 : Les recherches hydrogéologiques sur la percée karstique lac de l’Abbaye - résurgences de l’Enragé (21 km) et la récente coloration du Spéléo-Club Salinois (Jura). Ann. Spéléol. CNRS, t. 24, 2, 299-316, 2 fig.

  Haut de la page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fig.  2 : Coupes géologiques et traçages dans le synclinorium du Grandvaux (Unité III)